Quelque part en pleine campagne, entre Sasserotte et Fays, s’élève le manoir de Chinruy, c’est un haut lieu de l’histoire de Franchimont et pourtant de nombreux Theutois ignorent son emplacement voire son existence.
Le chemin qui y mène constitue une bien agréable promenade; il débute en face du village de Sasserotte et chemine à flanc de coteau avec la Hoëgne en contrebas et au-delà la vaste forêt de Staneux. Ce chemin est relativement récent. Une carte manuscrite de 1761-1772, établie par des ingénieurs géographes français durant la guerre des Sept Ans, indique une route entre [Theux et [Polleur passant par Chinru. Partant d’un point situé entre Sassor et Sasserotte, un chemin (qui existe encore) suit la crête vers Fays. Avant d’atteindre le village, on s’engage à droite vers une forte descente anciennement et méchamment pavée qui nous mène à Chinru. De là soit on se dirigeait à flanc de colline vers Polleur soit on continuait la descente vers la rivière et au-delà des forêts de Staneux. (Ces deux tronçons n’existent plus)]]
On parvient ainsi au site de Chinru, une sorte d’esplanade sur laquelle s’élève un important ensemble quadrilatère constitué du manoir et de sa ferme. Le chemin continue le long de la ferme, puis s’élève de manière abrupte pour rejoindre la crête qu’il suit jusque Fays.
Sur cette terrasse, dominant la vallée, un endroit stratégique à quelques kilomètres du château de Franchimont, on construisit avant 1450, un ouvrage fortifié dont on retrouve encore certaines traces comme un mur de 1,10 mètre à l’angle est, ce qui laisse supposer l’existence d’une tour.
C’est là que se serait installé en novembre 1468 le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, venu mettre le Pays de Franchimont à feu et à sac pour se venger des 600 braves qui l’assaillirent sur les hauteurs de Sainte-Walburge, le soir du 29 octobre.
« Et logea cinque à siex jours en une petite vallée en ung village qui s’alleloit Pollenée…et fist brulet toutes les maisons et rompre tous les mollins à fer [[Forge actionnée par une roue hydraulique.]] qui estoient au pays et cherchèrent le peuple parmi les grandes forests où ils estoient cachés avec leurs biens et il y eut beaucoup de morts et de pris, et y gaignèrent les gensd’armes de l’argent… » [[Mémoire de Philippe de Comines Livre II Chap 14]]
Ce n’est qu’en 1525 que l’on trouve, pour la première fois, le nom de Chinruy, le castel appartient alors à Bertrand le Maréchal, un maître forgeron important dont le fils épouse une fille d’Englebert de Presseux, châtelain de Franchimont
En 1646, il est la propriété de Henri-Lambert [[Il s’agit du patronyme d un descendant de Raes Blanche seigneur de Troisfontaines haut forestier de Sart, qui en 1600, avait acheté le castel à la postérité de Bertrand le Marechal]] de Chinrieu, lui-même et sa descendance furent parentés à plusieurs autres grandes familles de maîtres de forges de la région.
C’est à lui que l’on doit les très importants aménagements (réédification probable) qui firent du vieux castel un agréable et plaisant manoir.
L’ensemble actuel ainsi conçu isolé au milieu des bois et des prés, se devait de procurer à ses habitants tous les agréments et utilités, indispensables à la vie à la campagne.
Des jardins et des vergers, un vivier alimenté par des sources, la ferme y adjointe, la chasse dans les forêts toutes proches devaient suffire à assurer le ravitaillement. Le chauffage au bois ne posait aucun problème.
Il y avait en plus un four à chaux dont le produit était utilisé pour l’engrais et le ciment.
Le bâtiment est constitué de deux bâtiments parallèles séparés une cour rectangulaire.
L’un, le manoir présente vers la vallée une belle façade avec une large travée centrale surmontée d’un fronton triangulaire et prolongée de part et d’autre de constructions plus basses servant d’écurie, remise et cuisine.
Totalement construit en moellons de grès et couvert de toitures en ardoise, le manoir s’harmonise parfaitement dans son environnement rural.
L’intérieur qui a du être remanié à diverses reprises est inspiré du style « à la française » avec de larges pièces éclairées par des fenêtres se faisant face donnant une lumière douce et sans contraste.
L’autre, une ferme en long, comprend le corps de logis, les étables et la grange.
Entre les deux, une cour pavée rectangulaire fermée par deux hauts murs percés l’un d’une porte charretière du côté du chemin et l’autre d’une porte donnant vers la campagne.
En 1702, la demeure n’est plus habitée par les propriétaires, elle devient l’habitation d’un fermier et de sa famille, elle va prendre le nom de « Cense du Fond-Hesse », hesse signifiant terrasse dans un terrain en pente. [[Dictionnaire Liégeois de Haust (ancien wallon)]]
Cent ans plus tard, le domaine est la propriété d’un français Louis-Etienne Carouge de Rocquemont qui, en 1811, fit construire un « atelier à mécaniques pour filer la laine » au bord de la rivière, qui prit le nom de Chinru-Bas. Il sera acquis par Alexandre Caro [[Une partie des installations sera détruite et le reste transformé en habitation (G Fettweiss)]].
Vers 1850, la « Ferme de Chinru » comprenait encore la vieille demeure, la cour, la ferme datant du début du XVIIIème siècle et terres, prés et bois couvrant 26 hectares.
La propriété fut alors acquise par André-Joseph-Armand Simonis et passera à sa fille Marie-Thérèse devenue comtesse de Pinto qui la vendit début du 20ème siècle.
Depuis 1902, le manoir eut comme propriétaire les Deru, les notaires Dieudonné de Liège et aujourd’hui Monsieur Emile Georges.
Tous ont apporté des soins attentifs à la sauvegarde de cette simple mais harmonieuse gentilhommière dont la décoration intérieure a conservé la quasi-totalité de ses menuiseries d’époque. Le promeneur qui passe devant le manoir risque cependant d’être déçu car il ne peut voir qu’un pignon percé de rares baies, les deux façades, intérieure vers la cour et extérieure vers la vallée, la plus remarquable, échappent à sa vue. [[Une vue lointaine est cependant possible depuis l’actuelle route de Polleur
Chinruy, Chinrieu, Chinru : étymologie probable : chemin vers la rivière la Hoëgne appelée alors Ru de Polleur]]
Bibliographie
E. de Bien «Maisons d’Hier et d aujourd’hui hui» sept 1970
F Pasquasy «Pollinois de jadis» 1980
Alex GONAY.
PDF 596 JANVIER 1996