A l’entrée du village de Pouillou-Fourneau habite une dame bien connue des Juslenvillois. Liégeoise d’origine, elle a fait connaissance avec nos collines et nos vallons, dès son enfance.
A l’époque, quelques personnes comme Noémie Lodez ou Melle Chefneux étaient, à Theux, parmi ses points de repère. Cette période passée, elle entra très jeune dans le monde du travail. Son travail, mal payé, dans la chaîne de magasins « Vierge Noire » l’amena à découvrir tous les aspects du métier de vendeuse.
On peut dire qu’elle gravit petit à petit les échelons. D’abord sur le terrain de la vente où on ne se contentait pas uniquement de servir le client. A cette époque, les vendeuses devaient également décharger les camions. La journée de travail commençait à 8h jusqu’à 18h avec une heure de repos à midi, soit 9 heures par jour. Nous étions à l’époque des 48h/sem.
Montrant du goût pour son métier et faisant, sans doute, preuve de compétences, elle termina sa carrière à Bruxelles non plus comme vendeuse, mais comme acheteuse essentiellement dans le secteur du textile. Mais voilà, le temps passe et après treize ans. Mademoiselle Hubin décida de lier son sort à celui d’un jeune fermier theutois, monsieur Joseph Beauve. Sa vie allait alors prendre un virage. D’une fille de la ville, elle allait devenir une fille de la campagne. Et comme elle le dit elle-même : « Je suis devenue fermière parce que j’aimais le fermier ».
Elle est donc venue habiter notre contrée, car, dit-on avec beaucoup d’humour, il paraît que son mari aurait refusé de devenir vendeur à Bruxelles. Elle avait beau être une fille de la ville, le métier de fermière ne l’effrayait pas.
Toutefois, le métier était bien plus difficile qu’elle ne l’imaginait. Pour produire un litre de lait, il en faut du temps, du soin et du labeur. Il y a beaucoup d’aléas dans le métier. On est tributaire du temps…
Derrière, cette petite dame au chignon, savez-vous qu’il se cache une âme avide de connaissance, sachant poser un regard critique face au monde qui l’entoure. Vous l’avez compris, elle a dû, très jeune, quitter l’école pour le monde du travail. En ce temps-là, allaient à l’école ceux qui en avaient les moyens. Pourtant, elle a toujours porte de I intérêt à l’histoire et à la géographie. Elle porte aussi un grand intérêt à la musique classique. Durant l’époque de son travail à Bruxelles, elle avait un abonnement aux Beaux-Arts. Fidèle de l’émission de Jacques Steeman, elle a découvert au travers « du poste », de nombreuses œuvres musicales.
Aujourd’hui encore, elle reste fidèle à ses premières amours et dès qu’elle a le blues : « Un extrait de Mozart et cela repart ». Sinon ses goûts musicaux se dirigent vers Bach et les chants religieux, comme les chants orthodoxes. Elle est profondément croyante et comme elle le dit : « de plus en plus ».
Et pourtant, son approche est critique. Son éducation chrétienne fut, comme en ce temps-là, non seulement stricte, mais plutôt aveugle. Comme elle le fait remarquer, on nous a mis des œillères. Mais son intérêt pour l’histoire, la découverte de l’ancien testament, son questionnement sur le sens des autres religions, lui ont permis de mieux comprendre le message de Dieu. Aujourd’hui, elle a mis ses œillères dans la cave. Elle s’est ouverte et se questionne souvent sur « nos différences ».
Madame Beauve non seulement se pose des questions, mais passe à l’action. Saviez-vous qu’elle a été la première présidente de la cellule locale de MSF. Tout a commencé par une interpellation d’un de ses fils qui, rentrant de l’école, lui demande : « Maman est-ce que tu connais des gens qui aident les autres ? » Lui vient tout de suite le nom du docteur Luxen qui était à ce moment-là en mission au Tchad. Et de fil en aiguille, aidée par une kyrielle d’amis, est née la fête à Pouillou.
Durant treize ans, le village a eu sa fête. Cette fête drainait toujours la grande foule et c’est près d’un million de francs qui furent versés à MSF. Aujourd’hui, avec son époux, ils vivent des jours paisibles. La ferme est toujours à côté et leur fils Vincent continue avec son épouse l’exploitation familiale. Benoît, son second garçon finira bientôt sa médecine. Partira-t-il, un jour, sur les pas du docteur Luxen, l’avenir nous le dira…?
Comme vous le constatez, madame Beauve a une vie familiale, professionnelle, sociale,… bien remplie et je crois qu’aujourd’hui, elle reste toujours prête à tailler une bavette, mais surtout à rester à l’écoute.
Alexandre Lodez.
Pays de Franchimont 639 novembre 1999