Homme tumultueux (1757-1843)
Laurent-François Dethier appartenait à cette catégorie d’hommes exceptionnels dont la personnalité extraordinaire et l’activité supérieure marquèrent leur temps d’une empreinte caractéristique.
Né à Spixhe, hameau de Theux, le 14 septembre 1757, il fut avocat en 1780, échevin de la Haute Cour de Theux et bourgmestre en 1788. Fortement pénétré des doctrines philosophiques, l’idéologie l’imprégnait tout entier. Citoyen d’une intégrité absolue, il était d’une intransigeance incroyable et, par le fait même, d’un commerce souvent, difficile. La révolution au Marquisat de Franchimont lui devait ses tendances excessives et ses ambitions de réforme calquées sur celles de la France. C’est lui qui convoqua le Congrès Franchimontois en 1789 et qui en dirigea effectivement les opérations.
Proscrit au retour du prince-évêque de Liège, Dethier se retira en France. Il rentra au Marquisat de Franchimont à la suite de la marche victorieuse de Dumouriez. Organisateur de l’Union des Communes de Franchimont, de Stavelot et de Logne, il fit une propagande intensive en vue de provoquer la réunion à la France de la Principauté de Liège. Après la victoire de Jourdan à Fleurus, il fut successivement membre de l’administration d’arrondissement, juge de paix au tribunal civil et député au Conseil des Cinq Cents.
Accaparé par le tourbillon révolutionnaire de 1789, il s’y révéla comme un montagnard ardent et violent, comme un partisan au caractère absolu, comme un doctrinaire sans faiblesse. Il fut présent à la direction de tous les groupes révolutionnaires : Congrès de Franchimont, Conseil des 500, Congrès National et, bien entendu, Conseil communal. L’avènement de Napoléon, auquel il voua une haine farouche, le renvoya définitivement à Theux où il passa ses années de retraite à publier divers travaux et à en ébaucher d’autres portant sur la Géologie et la Minéralogie, sciences dans lesquelles il excellait.
La Révolution de 1830 vint le tirer de l’oubli et le porta triomphalement à l’hôtel de ville de Theux dont il devint le bourgmestre durant quelques semaines. Député de Verviers au Congrès National, il s’y rendit avec l’enthousiasme que l’on devine chez un homme qui croyait au triomphe des idées de 1789. Il en revint désabusé après avoir voté l’établissement de la république. Cette forme de son caractère se retrouvait dans son œuvre scientifique où il apportait la rigueur, la précision et l’objectivité souhaitables. Sa correspondance privée, à elle seule, formait un monde intellectuel, littéraire, scientifique, historique et bibliographique.
Laurent-François Dethier est une figure marquante de l’histoire de Theux. Son activité scientifique, politique et littéraire fut particulièrement vaste et féconde. Elle ne se limitait pas à la seule commune de Theux, mais elle portait sur toute la région franchimontoise, les Ardennes et le pays de l’Ourthe. Il écrivit, par exemple, le « Guide des Curieux qui visitent les eaux de Spa » qui fit l’objet de deux éditions. Il aurait voulu le compléter en y ajoutant une notice sur le site de la Chaudière, ou du Ninglinspo, avec les « Bains de Diane » qu’il inventa en 1818.
Austère comme savaient l’être les hommes de ces temps héroïques, Dethier garda le culte de sa terre franchimontoise à laquelle il consacra le meilleur de son esprit et de son énergie.
P. L.
Pays de Franchimont, août 1972