NOTRE PATRIMOINE ARCHITECTURAL
LA HALLE COMMUNALE.
Autrefois, la halle communale, cœur du chef-ban de Theux, se trouvait au milieu de la place, vis-à-vis de la maison[[Extrait d’un acte du 3-12-1606: « Cette maison appartenait à Adol Depresseux située au lieu-dit Theux, à l’opposite de la Halle, joindant devant à chemin, desseur à Noé Poncelet, brasseur (Banque Générale), dessous à Georges Malherbes, cultivateur (M. Wampach) ».]] portant actuellement le numéro 8 (magasin L. Delhaize), le perron de l’époque qui datait de 1537 se dressait à quelques mètres.
La Halle, datant probablement de ce début du 16ème siècle, abritait la chambre «magistrale» où se réunissaient les membres du Magistrat, soit les deux bourgmestres, les sept commissaires et le greffier, une chambre «scabinale» qui accueillait la cour de justice avec son maieur,ses sept échevins et son greffier, et enfin la chambre aux papiers (le greffe). Si l’on en croit la reconstitution faite à l’occasion du cortège historique de juillet 1948, il s’agissait d’un rez-de-chaussée en moellons dont la partie avant était constituée d’un préau avec arcades tandis que l’étage était formé par des colombages.
Mais dans le courant du 18ème siècle, elle est en piteux état: «elle étoit si caduque que le vestibule en avoit croulé» et il est décidé de demander des propositions à l’architecte liégeois Barthélemy Digneffe pour une nouvelle maison de ville à construire soit sur l’emplacement de l’ancienne, soit au lieu-dit Esplesse (les places). Le 20 mai 1770, une assemblée composée des trois corps de la Régence: le Magistrat, les députés des Notables et les députés des Cantons décide de l’emplacement et adopte[[L’assemblée avait cependant exigé un escalier double en dehors du bâtiment et le voûtage du rez-de-chaussée.]] l’un des plans proposés, l’autorisation est demandée au Prince-Évêque le 12 juin et accordée le 16 du même mois.
Le 31 juillet, c’est la mise en adjudication[[Voir détails du cahier de charge dans le n° 478 (mars 1986) du P.F.]]; le 1er lot: la livraison de toutes les pierres de taille, une partie pour le 1er octobre 1770 et le reste pour le 1er avril 1771 est attribué à Nicolas Bottin, carrier et maître-tailleur de Juslenville; le 2ème lot: les terrassements, fondations, pose des pierres de taille, maçonnerie, la charpenterie générale, la toiture.. .etc est enlevé par les frères Lambert et Mathieu Caro de Theux qui doivent avoir terminé pour novembre 1771 et enfin le 3ème lot: menuiseries extérieures et intérieures, les vitrages et les ferrailles à terminer pour fin décembre 1771, revient également aux frères Caro, et le 7 août le tout est Officialisé, les travaux pourront commencer. Admirons la rapidité de toutes ces décisions publiques, inimaginables aujourd’hui!
Les «repreneurs» (adjudicataires) se mettent au travail et le 10 octobre 1770, Lambert Caro fait constater que les fondations sont terminées, qu’il a engagé un grand nombre d’ouvriers mais que faute de recevoir les pierres de taille, il est obligé d’en congédier une partie, puis de nouveau le 27 août 1771, il réclame des pierres de taille et des piliers de balustrade[[Lettres publiées dans le n° 454, pge 7.]].
Nous ne connaissons pas la date exacte de la fin des travaux mais il semble bien qu’en 1772, elle s’élevait fièrement au bas de la Chaussée. C’est un bâtiment de style Louis XVI, assez curieusement conçu en forme d’accent circonflexe mais imposant, du moins en façade, avec son large perron à double volée d’escaliers, garni d’une rampe en fer forgé dessinée par le maître-serrurier Domitiane et coulée dans les forges locales. Un haut soubassement en grandes pierres de taille forme le rez-de-chaussée, il est percé de fenêtres à linteau courbe, on y pénètre par une porte centrale surmontée d’un linteau avec une clé datée de 1860, la porte a dû être modifiée à ce moment…
L’étage présente une avancée à trois pans, ouverte d’une large porte à imposte cintrée et surmontée d’un fronton triangulaire avec un œil-de-bœuf. Les différentes parties de la façade sont limitées par des chaînes de refends en calcaire et les hautes fenêtres sont surmontées d’un linteau droit avec une clé en console. La toiture ardoisée est mansardée et présente de larges lucarnes cintrées. Cet étage comprend, au centre, une salle des pas-perdus hexagonale où on peut admirer les tympans des portes intérieures recouverts de peintures dues au peintre J.J. Scaint[[Ce peintre avait également peint les toiles de la salle à manger de la maison de Limbourg dont la façade avait été conçue par Digneffe.]], représentant la Justice, le Jugement de Salomon et la Peine Sereine, et dans les ailes, deux salles pouvant accueillir le Magis- trat et la cour de Justice.
Le rez-de-chaussée eut, au cours des ans, des utilisations diverses, la pièce centrale abrita un moment la pompe à incendie…, les pièces latérales munies de portes de fer avec guichet servirent de prison: au début de ce siècle, la pièce de gauche était le bureau des contributions. Les actuels office du tourisme et médiathèque sont plus réjouissants!
Une annexe à l’arrière du bâtiment primitif fut ajoutée en 1860, les locaux s’avérant déjà trop exigus à l’époque: six pièces plus les mansardes.
Le nouvel hôtel de ville eut peut-être comme premiers bourgmestres les frères de Limbourg qui siégeaient ensemble à ces fonctions en 1772, l’aîné Jean-Philippe le célèbre médecin des eaux de Spa et Robert, médecin également mais surtout géologue et mécanicien, deux éminentes personnalités theutoises. Il accueillit en 1788, Laurent-François Dethier devenu avec son collègue Pascal Douguet, les premiers bourgmestres de l’opposition et à nouveau en 1830, le même L.F. Dethier élu premier bourgmestre belge de Theux.
Si notre maison communale n’héberge plus la Cour de Justice supprimée en 1794, elle continue à abriter les délibérations d’un conseil communal qui s’est autrefois appelé Magistrat ou encore Régence mais qui a été et reste l’expression de la démocratie communale dont les Franchimontois ont toujours été très fiers.
Chevalerie de l’Ordre du Chuffin
N° 560 – JANVIER 1993