Notre patrimoine architectural
CHEZ LES PERES
C’est sous ce vocable que les Theutois ont longtemps désigné l’Ecole Normale de Marché, devenue actuellement l’Institut Saint Roch. Ces pères étaient des religieux allemands, des lazaristes [[L’ordre des Lazaristes a été fondé en 1625 par St Vincent de Paul et la maison-mère était le prieuré Saint-Lazare à Paris d’où leur nom. Ils étaient chargés d’un travail de mission mais également de la formation des prêtres et ils dirigeaient de nombreux séminaires dans le monde.]] qui occupèrent ces bâtiments de 1880 à 1919.
Mais l’histoire de la demeure initiale remonte à la deuxième moitié du 18ème siècle, il s’agissait d’une belle maison de style Louis XVI construite en briques et pierres calcaires, comprenant 3 niveaux dégressifs et 5 travées. La travée centrale, plus large, englobant l’entrée, est délimitée par deux chaînes de refends et s’avance un peu formant un avant-corps et est surmontée d’un fronton triangulaire. Il faut admirer l’encadrement de cette porte à linteau en anse de panier agrémenté d’une clé en forme de coquille et de guirlandes florales sculptées dans le panneau calcaire et à profondes moulures se prolongeant dans les montants. Les parties latérales de la façade sont également inscrites entre deux chaînes de refends et surmontées de grandes lucarnes à fronton. Les fenêtres à châssis à petits-bois sont surmontées de linteau bombé à fine clé passante et saillante, au rez-de-chaussée, les montants enserrent des panneaux en pierre calcaire, aux étages les appuis se prolongent en bandeaux continus horizontaux.
Cette maison appartenait aux Jeunechamps, une famille de maîtres de forges qui activaient les forges de Rainonfosse et de Marché. Y habitait Willibrode de Gerden, conseiller de S.M.I. et R [[S.M.I. et R.: Sa Majesté Impériale et Royale, à ce moment l’impératrice Marie-Thérèse, puis son fils l’empereur Joseph II.]], greffier du conseil du Luxembourg qui avait épousé en 1780 Joséphine de Jeunechamps et qui gérait la forge de Marché.
A cette époque, la propriété était considérée comme la plus belle de Theux, elle comprenait outre cette maison, des dépendances et un beau parc traversé par le Ru du Pré Évêque et agrémenté d’un étang au milieu duquel s’élevait un petit pavillon reposant sur quatre arcs cintrés.
Au cours de la première moitié du 19ème siècle, elle fut achetée par Laurent-Alfred Grandjean, un négociant verviétois.
En 1880, ce sont les Pères Lazaristes expulsés d’Allemagne par Bismarck, qui s’en rendent acquéreurs, ceux-là même qui avaient occupé la maison de Hansez, rue Hovémont [[Le chancelier d’Allemagne Bismarck avait fait voter une série de lois de 1873 à 1875 qui restreignaient les droits de l’Eglise catholique en faveur de l’Eglise protestante et chassaient les religieux s’occupant de l’enseignement, particulièrement les Jésuites et les Lazaristes (voir P de F septembre 1990).]]. Ils vont élever d’importantes constructions complémentaires : le haut édifice entre la maison Grandjean et la maison du Bailli, les deux ailes de la cour et une vaste chapelle (1891)… et la maison Grandjean devient le collégium Marianum, un établissement d’enseignement qui accueillait de jeunes Allemands de la région d’Aix et de Cologne ainsi que des adolescents de la commune mais les cours se donnaient en allemand. C’était un établissement très moderne tant du point de vue didactique (musée d’histoire naturelle, laboratoire…) mais aussi de vie pratique : électricité fournie par une petite centrale hydraulique, des douches, et même une brasserie !
Durant la guerre 14-18, l’école fut réquisitionnée par les Allemands pour y installer un hôpital militaire et après l’armistice, elle accueillit des soldats anglais atteints de la grippe espagnole [[Un certain nombre de soldats anglais y sont décédés et ont été enterrés dans une pelouse d’honneur au cimetière de Mont-Theux où leurs tombes restent bien entretenues.]].
En 1919, le décret Bismarck ayant été annulé, les « bons pères » s’en retournèrent en Allemagne, ils avaient vendu leur propriété à l’évêque de Liège qui y installa « l’Ecole Normale » venue de St Roch-Ferrière. On y ajouta de nouvelles constructions, entre le bâtiment d’entrée et le passage à niveau et le long de la ligne de chemin de fer.
Pour les chroniqueurs du Marquisat,
A GONAY
Pays de Franchimont N° 553 de juin 1992