La Chapelle Wolff et la Tour Wolff
Dans notre dernière chronique sur l’église, un paragraphe concernant la chapelle Wolff a malencontreusement sauté (1), suite à une erreur de retranscription.
Ceci nous donne l’occasion de vous la présenter en détail. Cette chapelle forme une curieuse excroissance sur la face sud de l’église, (2); vue de l’intérieur, c’est une annexe au début de la nef droite; sise en hauteur, on y accède en gravissant 5 marches de marbre noir et en franchissant une grille en fer forgé. Enfants, nous regardions avec une certaine crainte cet endroit peu éclairé que l’on appelait alors la chapelle du Loup!
Son histoire n’a pourtant rien de terrifiant. François Wolff, (3) une notabilité theutoise habitant à Marché la maison dite du bailli où Wolff avait obtenu en 1653 l’autorisation du Prince-évêque d’ériger dans l’église de Theux une chapelle avec pierre d’autel afin d’y établir sa sépulture et y avoir un siège à son usage personnel et à celui de sa famille. En 1655, en concertation avec le magistrat, l’endroit est choisi contre la façade sud à la place de la petite tour protégeant ce côté mais pour ne pas faire de ce lieu un point faible de la défense de l’église, on exige des murs épais, des fenêtres petites et placées à quatre mètres du. sol du cimetière et une série de meurtrières, il y en avait trois dans le grenier et neuf dans la chapelle.
Le sol de la chapelle est surélevé d’un bon mètre afin de ménager un volume de terre suffisant pour les inhumations, la terre est maintenue vers l’intérieur par des blocs en marbre noir de Theux comme les marches de l’escalier. Le plafond est constitué de caissons de bois moulurés. Les lambris sont formés actuellement de panneaux de bois armoriés provenant de pupitres séparant autrefois le chœur des chapelles latérales.
Sur le côté ouest, se trouve un autel de bois sculpté de style baroque dont le retable est orné d’une toile représentant la Sainte Famille avec deux personnages insolites: Saint François, le patron du donateur et derrière pieusement agenouillé, mains jointes, François Wolff lui-même.
Mais la construction de la chapelle va, vous le savez, affaiblir la solidité de la partie avant de l’église, en octobre 1675 ce sont les voûtes du chœur qui tombent et le 18-9-1692, le fameux tremblement de terre fait écrouler celles des chapelles latérales déjà fortement ébranlées. Toutes seront remplacées par des plafonds Plats peints.
Une autre construction rappelle la mémoire de ce François Wolff, notaire, maïeur de la cour de justice de Spa et bourgmestre de Theux en 1629, 1640 et 1647, c’est la tour d’Oneux. François Wolff jouissait des grosses et menues dîmes du village, cette charge rémunératrice l’obligeait à s’intéresser au bien-être des habitants et c’est ainsi qu’il avait fait creuser un étang et reconstruit une vieille tour qui tombait en ruines afin qu’elle puisse «servir de retraite et de défense aux habitants».
Cette tour, située non loin de l’église, est de forme mi-cylindrique, la partie plane s’intégrant dans la muraille qui avec les bâtiments formaient un ensemble fermé à l’instar des fermes fortifiées de la Dîme, La Haye ou Wislez. Elle comporte quatre niveaux, on accédait au premier à moitié enfoui dans le sol en descendant quelques marches vers une porte tournée vers l’intérieur de la cour, (4), une échelle amovible conduisait aux étages, ceux-ci étaient ouverts de nombreuses meurtrières. Elle est couronnée d’une toiture hexagonale à coyaux terminée par une girouette en fer forgé.
Le tour Bonhomme, autre épithète due au nom de la famille qui occupe depuis l’entre-deux-guerres la ferme adjacente, fut durant l’occupation le témoin d’un drame peu connu pour des raisons évidentes. Cette ferme abritait plusieurs résistants recherchés par la gestapo, dont un andrimontois nommé François Lambert, dit Jojo qui était entré dans la clandestinité dès 1942 et qui, en 1944 avait rejoint la section theutoise de l’Armée Secrète. Le 23 juillet, alors que dans une chambre de la ferme il procédait au nettoyage de son revolver, un de ses Compagnons, manipulant l’arme soi-disant vide, appuya malencontreusement sur la gâchette et la balle frappa mortellement son ami. On fut obligé d’enterrer le corps du malheureux nuitamment dans le sol d’un hangar où il reposa jusqu’après la libération.
Ainsi ces trois bâtiments Wolff: la maison à Marché (5), la tour à Oneux, la chapelle à Theux, font chaque fois référence à des moyens de défense, ce qui caractérise bien ce turbulent 17ème siècle dit «siècle des malheurs» où l’une des premières préoccupations des Franchimontois était de protéger leur vie et leurs biens menacés par les multiples incursions des troupes étrangères et des bandes de pillards.
Annotations.
(1 ) 2ème §-colonne 2.
(2) Bâtiment bien visible sur la photo illustrant l’article du mois dernier.
(3) Fr. Wolff est un descendant de la famille Leloup aux très nombreuses branches dans la région de Spa, la sienne a choisi la forme germanisée pour se distinguer des autres.
(4)Une porte a été pratiquée ultérieurement au niveau 2, sur la face est.
(5)Voir P.D.F. n°552, mai 1992.
Bibliographie: «L’Eglise-Halle SS Hermès et Alexandre» – Paul Bertholet et Patrick Hoffsummer.