Un jour au début des années 1288, Guillaume Elnou de Slins, châtelain de Franchimont fût prévenu par un homme de garde qu’un étranger sollicitait une entrevue. L’individu qui se présentait assurait être venu expressément pour lui apprendre qu’une formidable attaque se préparait contre le Château. De Slins répondant qu’il l’attendait et était prêt à la recevoir de la bonne façon; l’homme ricana et prétendit que le château n’était pas de force à résister à cette agression, mais que lui, il était en son pouvoir de lui permettre d’y répondre victorieusement. « Et comment vous y prendriez-vous je vous prie ? » » En donnant à votre forteresse mal défendue une capacité de résistance meurtrière, inconnue. Sur ce, l’homme retira d’une petite caisse un appareil qu’il pointa en direction d’un pan de mur à l’extérieur, tira une manette, geste qui provoqua une forte explosion et un minuscule boulet sortit de l’appareil et alla ébranler le mur qui s’écroula. Vos conditions dit de Slins, éberlué? Je m’engage à garnir vos remparts de ces armes, mais plus grandes et de destruction formidable qui anéantiront vos assaillants. Et reprit de Slins, quel prix exigez-vous pour cela ? Rien, seulement, quand votre fils Elnou aura vingt ans, vous me le confierez pour en faire une personnalité très importante; en cas d’insuccès dans votre défense du château, vous ne me devez rien.
Le châtelain compris que Satan était devant lui, il siffla son garde et ordonna : « Traînez ce démon hors du château et envoyer les chiens à ses trousses ». Le diable eût un rire satanique et rageusement hurla : « Guillaume Elnou de Slins tu t’en repentiras; et malgré toi, j’aurais ton fils ».
Trois jours après, l’attaque eût lieu, mais si le château avait souffert, l’avantage demeurait cependant à de Slins. Ce ne fut qu’un siècle plus tard, en 1387, après l’incendie accidentel du château-fort qu’Arnould de hornes le fit réédifier et garnir les remparts de bouche à feu. Les années passèrent et si le châtelain oubliait les menaces du diable, celui-ci attendait son heure.
Par une froide journée d’hiver, Elnou fils de Guillaume qui venait d’atteindre 20 ans avait décidé de donné la chasse à une bande de loup dont un spécimen faisait des siennes aux environs de Spixhe. Le lendemain, Elnou et son jeune frère descendirent sur Spixhe prirent par Heid-Copette pour arriver au fond de la Targnon. Ce fut alors que les évènements se précipitèrent. On a toujours affirmé que depuis sa construction, le château de Franchimont et ses habitants étaient protégés par la fée Staneuxine qui, à cette époque s’était transformée en chèvre d’or. Connaissant l’entretien de Slins avec Satan et sachant qu’Elnou venait d’avoir 20 ans, elle résolut de le protéger.
Rejoignons nos jeunes chasseurs arrivés au ruisseau. Le plus jeune accompagnés des chiens prit par les hauteurs de l’Ourlaine tandis qu’Elnou remontait le « ru de Targnon » quand tout à coup, il aperçu un loup de forte taille qui pénétrait dans un épais taillis situé au centre de l’étroite vallée. Elnou y suivit le fauve sans remarquer une chèvre qui le suivait depuis un moment. De la hauteur où il se trouvait, le jeune de Slins alerté par les chiens vit le loup, escorté de son frère que suivait une chèvre, pénétré dans le taillis quand soudain, il entendit un cri strident et un éclat de rire infernal. Très inquiet, il fonça au fond de la vallée, les chiens sur les talons. Il pénétra dans ce petit bois où il ne vit ni son frère ni le loup ni la chèvre. Ne comprenant rien à ce mystère, il reprit directement le chemin de Franchimont prévenir son père qui, bouleversé par les souvenirs des menaces du démon, s’empressa de réunir une équipe d’homme armés d’outils; et les chiens en laisse, se rendirent sur les lieux de la disparation d’Elnou. Ils creusèrent profondément le terrain sur une grande étendue mais sans résultat. Cependant les chiens revenaient continuellement aboyer au bord de l’excavation. Hélas ! dans leur hâte d’arriver à un résultat ils avaient déblayé sans remarquer à côté un orifice obstrué par des broussailles; c’était l’entrée d’un boyau qui, en plan incliné assez raide, descendait en oblique.
Le pseudo loup s’était volatilisé. Elnou et la chèvre se retrouvèrent à une bonne profondeur. Stupéfait et quelque peu contusionné, il demeurait étendu sur le sol quand la chèvre d’or (Staneuxine) qui, dans l’obscurité produisait une petite clarté vint le tirer par sa tunique.Ils se trouvaient dans un étroit couloir qui montait, descendait et tournait à tout bout de champ; peu après ils furent devant plusieurs passages. Guidés par la chèvre ils débouchèrent tout à coup dans une galerie plus large; plus loin, ils aperçurent filtrer entre les broussailles une lueur blanche. Ils parvinrent à se frayer un passage et pénétrèrent dans un petit bois. A cet instant la chèvre d’or disparu et Elnou déconcerté, seul dans ce lieu désert et inconnu marchait à l’aventure quand il fut renseigné par un paysan qui lui expliqua qu’il n’était plus loin du hameau, aujourd’hui Remouchamps. Rassuré il dévora les quelques provisions contenues dans sa gibecière et reprit le chemin de Franchimont où les les siens ne furent pas peu surpris de son retour quasi l’inespéré. Il leur conta son odyssée souterraine et surtout la reconnaissance qu’il devait à la chèvre d’or qui l’avait sauvée d’une mort atroce dans les entrailles de la terre…
C’était donc grâce à la chèvre d’or protectrice de Franchimont que Lucifer avait raté sa vengeance diabolique sur de Slins. Le seigneur de Franchimont fit remblayer cette profonde et dangereuse excavation; mais par la suite de fréquents affaissements de terre, elle se remplissait d’eau et après des années, finit par former un étang assez conséquent qui subsiste encore de nos jours. En souvenir de cet attentat provoqué par Satan pour se venger de Guillaume-Elnou de Slins en la personne de son fils Elnou, ce site isolé pris le nom d’Elnoufond, plus tard transformé en Elnoumont (pourquoi ?). Elnou fit des recherches du côté de Remouchamps pour retrouver le chemin de son court calvaire, mais ce fut inutile.
Longtemps après, les vastes grottes de Remouchamps furent découvertes et certains prétendaient que les galeries parcourues par Elnou étaient des ramifications de ces grottes qui n’ont pas encore dit leur dernier mot. Quant à ce lieu-dit Elnoufond (ou mont) on vint jadis y bâtir une petite habitation pour y établir un moulin clandestin; sa situation écartée était favorable pour tourner les lois draconiennes d’une époque disparue. De ce moulin qui portait le nom de moulin Elnoumont, je me rappelle les meules abandonnées en cet endroit. Sauf l’étang plus ou moins poissonneux et l’habitation, aujourd’hui fermette, ce lieu isolé est toujours demeuré assez désert.
Regn. Tieffels. Pays de Franchimont 5 Mai 1966