Les mines de Franchimont

_ Quand la source de production d’un pays s’éteint, ses hommes commencent par émigrer en attendant que l’exploitation d’autres richesses vienne remplacer la précédente. Tel fut le cas de la vallée du Wayai sur la fin du XVII’ siècle. Son industrie métallurgique avait été active et elle reposait sur deux piliers : le minerai de fer de la région theutoise et le bois comme source d’énergie. Les dessins laissés par le Florentin Cantagallina, venu à Spa en 1612, sont édifiants à cet égard ; ils nous montrent des fourneaux à fer et des moulins à fer installés à l’entrée ouest du bourg, sur le Wayai.

En somme, la vallée franchimontoise aurait très bien pu garder et développer son environnement industriel si la terre, cette nourricière, avait été localement plus riche en ces deux éléments de base : le minerai et les sources d’énergie. Dès le début, c’est le bois qui procura l’énergie indispensable, mais, sur la fin du XVII’ siècle, les établissements de Sambre-et-Meuse éclipsaient les nôtres grâce à l’utilisation du charbon, autrement efficace que le bois. Quant aux minières franchimontoises, elles s’épuisaient visiblement. Le drame est très bien mis en évidence par Jean Yernaux dans son ouvrage de 1939 « La Métallurgie liégeoise et son expansion au XVI le siècle ». Nous y avons relevé des noms qui nous sont familiers :
en 1652, Robert de Sclessin possédait des forges à Theux ;
en 1687, le marteau Goffin, à Marteau, appartenait à François de Sclessin, maître de forges à Spa ;
en 1651, quatre fondeurs du pays de Spa s’engagèrent au fourneau d’Aremberg ;
en 1653, Remacle Crottroux, de Spa, recrutait des ouvriers pour Jean Mariotte, maître de forges en Allemagne ;
en 1660, trois affineurs et un martilleur de Spa s’engageaient à la forge Colchon Thome, à Colonster.

Par ailleurs, la physionomie générale a été très bien décrite par Pierre Den Dooven, dans « Le Sol Franchimontois », qui écrit notamment : « Puis, nous assisterons bientôt à une crise. Il ne faut pas oublier, en effet, que le sol ne contient pas de charbon. A cette époque aussi (1662), les mines de l’Ourthe supérieure et de l’Amblève inférieure et surtout celles de Sambre-et-Meuse concurrenceront de plus en plus et mettront fin à l’activité sidérurgique franchimontoise ».

Au cours des siècles suivants, on assistera à la transformation complète de la région qui en deviendra plus modeste, mais plus saine. A Spa, les eaux minérales ferrugineuses formeront la richesse de remplacement. A Theux, diverses petites industries s’établiront ; mais, de l’un et l’autre bourg, une bonne partie de la main-d’œuvre s’en ira, chaque jour, travailler dans les régions liégeoise et verviétoise. D’un autre côté, il faut bien reconnaître qu’en perdant l’industrie, nous avons évité de justesse une infernale pollution.

Ce qui est bon pour nos mémoires légères et nos esprits naturellement ingrats, c’est que des chercheurs de chez nous fouillent, travaillent, classent, devinent et publient pour ressusciter et fixer des croquis dont nous aurions perdu souvenance avant la fin du XX° siècle. C’est le cas, notamment, de Pierre Den Dooven, qui vient de publier « Les mines du pays de Franchimont » ; cet ouvrage est l’étonnant témoignage d’une industrie métallurgique qui aurait pu nous enrichir en nous étouffant. Car, nous aurions subi la pollution qui serait venue s’ajouter à celles que notre époque connaît bien. D’ailleurs, cette pollution avait bel et bien commencé, en juin 1615 déjà, quand les « cryeries de chascun » provoquèrent une enquête qui révéla « que cette pollution ne pouvait provenir que des laveus de la Soufrerie de Sasserotte ».
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Pierre Den Dooven nous parle des Mines de Sasserotte, du problème de l’évacuation des eaux, de la mine de Pouillou-Fourneau et des mines anciennes au pays de Franchimont dans lesquelles la « mine de fer de la Commune de Saint-Remacle » à propos de laquelle nous retrouvons de vieilles connaissances comme Englebert de Presseux, châtelain de Franchi- mont, et Gérard de Groesbeeck.

On peut mesurer les illusions des maîtres de l’époque en remarquant que, par un bail du 16 juillet 1572, ils ordonnaient « toutes les mines de charbon, à l’exception des mines d’or, d’argent, d’azur »… Pourtant, si quelque chose a toujours manqué au marquisat de Franchimont, c’est bien le charbon. Quant à l’or…

Les mines de Jalhay, de Jevoumont, de Juslenville, de La Reid, de Hestroumont, de Mont, d’Oneux, de Polleur, de Sart, de Theux, de Spa, de Verviers sont également évoquées. A propos de celles de Spa, nous avons trouvé, dans Body, qu’en 1512, par exemple, le sieur Hola recrutait des ouvriers à Creppe pour travailler dans son établissement (Fagne Raquay) qui comportait une forge, un fourneau et un marteau. Vers la fin du XVIle siècle, le fourneau de Hola était encore en activité. Le bulletin trimestriel de l’Institut Archéologique Liégeois (1966) donne des notes intéressantes sur Antoine de Spa, maître de forges, ainsi que sur le pays de Spa qui « recelait des gisements de fer ou minettes qui furent longtemps exploitées par les habitants ».

Plusieurs reproductions de gravures de R. Leloup et de M. Xhrouet illustrent à souhait l’excellent travail de Pierre Den Dooven. Nous disposons ainsi d’une source de documentation inestimable.

Source: Pays de Franchimont avril 1977

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