Le village de Spixhe
L’histoire de Spixhe nous révèle que depuis le début de son existence, vraisemblablement au llème ou 12ème siècle, ce village a toujours connu une certaine célébrité.
Son nom est cité pour la première fois en 1318 sous la forme de Spiex (1). Son premier atout fut son moulin à farine, un moulin banal, seul autorisé avec le moulin de Theux, à moudre le blé dans tout le ban de Theux, c’est-à- dire La Reid, Polleur et Pepinster (2). Le moulin de Spixhe était lui aussi propriété du prince-évêque mais son exploitation était liée à la fonction de haut-forestier au Pays de Franchimont. Cette charge importante se transmettait par voie héréditaire.
Il coulait sous un petit pont dont on voit encore la balustrade en fer et se dirigeait vers l’usine de Rainonfosse pour y jouer son rôle de moteur hydraulique. Un canal de dérivation s’échappait de l’étang et rejoignait le biez en suivant le tracé actuel du chemin longeant le Wayai.
Deux autres établissements quasi aussi anciens contribuèrent au renom de Spixhe: les forges de la Gouge et de Rai nonfosse.
Elles existaient déjà au début du 15ème siècle et faisaient partie de ces «moulins à fer» que les soldats de Charles le Téméraire détruisirent en novembre 1468.
Relevés de leurs ruines, ils allaient pendant trois siècles participer à l’essor de l’industrie métallurgique franchimontoise.
Après le déclin général de ce secteur dans la deuxième moitié du 18ème siè- cle, ces bâtiments allaient poursuivre leur activité dans des domaines bien différents.
La forge de la Gouge (5) fut achetée en 1811 par Nicolas de Presseux qui la transforma en moulin à farine. Louée à divers meuniers, elle appartient en 1860, à Nicolas Schoune, puis passe aux mains de la famille Gillard, une famille de meuniers qui l’exploitera pendant près d’un siècle avant d’aboutir à la famille Heinrichs.
On aura donc moulu du blé et autres céréales à Spixhe pendant au moins six cents ans.
La forge de Rainonfosse encore prospère durant une bonne partie du 18ème siècle, se trouvait en 1792 dans un état de délabrement total et sera totalement démolie en 1811 pour faire place à une usine textile appartenant aux Kaison de Verviers.
Ensuite, elle deviendra la grande fabrique de draps Odenbach qui employait près d’une centaine d’ouvriers et ouvrières.
Vers 1900, l’usine est désaffectée et rachetée par la Ville de Liège pour établir une colonie scolaire destinée à accueillir les enfants des écoles primaires de la ville dont la santé nécessitait un séjour à la campagne (6).
L’occupation de ces locaux commença en 1916 pour se terminer en 1958. Maintenant, c’est un dépôt d’antiquités «La Belle Époque».
Il y aurait eu, autrefois, à Spixhe autre établissement qui n’avait rien d’industriel.
Il s’agit d’une léproserie dont l’existence semble se confirmer par la certitude d’un poste «de recteur de la chapelle des lépreux à Spixhe près dé Theux» où officiait en 1482 un prêt français Nicolas Rohault.
Cette terrible maladie, la lèpre a eu des effets à Spixhe et en 1496, Jean de Marteau déclarait que sa mère est morte au monde, atteinte de la maladie de Saint-Lazare (7).
Nous terminerons, ce chapitre sur, Spixhe, en faisant mention d’une des premières notabilités du village: Isabeau de Spiexhe qui fut pendant 25 ans, abbesse du couvent Sainte Elisabeth à Liège et y construisit la chapelle ogivale. Elle mourut en 1624 après 40 ans de vie religieuse. Sa pierre tombale où elle est représentée debout avec la crosse abbatiale se trouve au musée Renier à Verviers.
Mais il reste encore bien des choses à dire sur Spixhe, aussi nous vous donnons rendez-vous dans un prochain numéro du «Pays de Franchimont».
Annotations
1)Ce nom a toujours intrigué les étymologistes qui ont évoqué un nombre important d’ explications, retenons le latin Spica = épi et le roman Pexhe (pêche) ou latin piscis (poisson). Deux activités vraisemblables à cet endroit.
0)Voir P.F. n° 599 avril 1996.
2)Cette foresterie comprenait la Porallée (miraculeuse de Dieu et Saint-Pierre) et la Commune de Saint-Remacle, terres situées sur les hauteurs ouest de La Reid et de Theux. Le premier de Marteau à jouir de ce fief fut Henri le Martéal qui l’obtint le 2 décembre 1412 et le dernier, Philippe J. Joseph, le 12 juillet 1793.
0)Biez (ou bief) : canal de dérivation conduisant l’eau jusqu’à la roue d’ un moulin.
1)Cette forge doit son nom à un ruisseau dont les eaux unies à celles du ru du Thuron faisaient tourner la roue de la forge et plus tard du moulin (G illard) .
2)Voir P .F . 7 juillet 1985.
3)P. Den Dooven La métallurgie au pays de Franchimont Le Wayai inférieur.
Plan Popp – Spixhe en 1860
A.le bief
B.la ferme Moray
E.l’étang
0.ancien moulin banal (Jacquemin)
F.l’ancienne passerrelle
G.le café de la Barrière (octroi)
Une autre particularité de Spixhe, on y trouvait autrefois un bureau de perception des droits d’octroi (13) : dès 1776, ce bureau fit également office de barrière de péage pour la nouvelle chaussée pavée unissant Liège à Spa (14).
Attenant au bureau, s’élevait un café dit «de la Barrière» qui, après la suppression de ces taxes en 1866, continua à jouir d’une réputation enviable (15), c’était en quelque sorte l’ancêtre de la salle de Spixhe-Attractions.
Parmi les nombreux établissements dans lesquels se déroulaient les innombrables bals de la fin du 19ème siècle, celui de «La Barrière» était le plus réputé et des industriels verviétois du textile y venaient régulièrement organiser cette sorte de divertissement. Il y a une bonne centaine d’années, Spixhe possédait aussi une briqueterie.
Le centre opérationnel était installé au lieu-dit le Chivrou (16). Au départ, il s’agissait d’un bâtiment sommaire construit à l’emplacement actuel du n° 71 de la Chaussée de Spa et l’argile nécessaire à cette fabrication était extraite des terrains situés de part et d’autre de la route entre le carrefour de la route de Becco et la fin du Chivrou.
Cette briqueterie fut exploitée par la famille Doppagne. D’abord, le père Albert-Joseph, né à Marche en 1830, qui très jeune s’en vint à pied, de Marche à Theux, en poussant sa brouette chargée de ses outils de briquetier.
Avec Marie-Jeanne Cornet de Juslenville (17),ils fondèrent une famille très nombreuse : six garçons et quatre filles qui aidèrent leur père dès leur plus jeune âge (18),
Trois d’entre eux, Désiré, Jean et Alexis continuèrent l’exploitation.
Tous ensemble, ils avaient construit une série de maisons en briques au Chivrou, à l’usage de la famille. La briqueterie Doppagne cessa son activité vers les années 1930.
Parmi ces maisons, se trouvait une brasserie exploitée par J.Houyon-Doppagne
19),ce type de commerce consistait à la mise en bouteilles de la bière fournie en gros tonneaux et à la livraison aux détaillants et aux particuliers à l’aide de deux camions attelés de chevaux. Ce commerce spixhois s’acheva au cours de la guerre 14-18. Rappelons quelques-uns des commerces qui s’échelonnèrent le long de la chaussée, entre Rainonfosse et la route de Becco au cours de la fin du 19ème siècle et dans la première moitié du 20ème : le garage Goffin, son épicerie et son taxi jaune, la quincaillerie Mostert, des bouchers s’y succédèrent Chauveheid, Gaspar, Gustin,… l’épicerie Maréchal; le café de la Barrière qui prit le nom de Café de la Libération en 1944; la Villa Franchimontoise, un café-restaurant avec terrasse et balançoires qui fit place à la distillerie Degotte (19) et alla se réinstaller sous le même nom à l’angle de la route de Becco sur un petit monticule au pied du promontoire de Heid Copète (20) et en face, l’Hôtel du Wayai formant le coin avec le chemin redescendant vers le centre du village.
Au-delà, s’étendait le vaste terrain exploité par les briquetiers Doppagne, puis peu à peu, quelques habitations s’élevèrent de part et d’autre de la chaussée. Vers 1930, Léon Pelle qui déjà exploitait une épicerie au pied de la route de Becco, créa sa firme d’autobus et construisit, en face, un garage (20). La lutte entre les trois exploitants d’autobus fut homérique sur le trajet Verviers-Spa (21). La firme Pelle ayant arrêté en 1940, les garages furent transformés en salle de bal dès la fin de la guerre et un café fut construit de l’autre côté de la route (22).
En cette fin de 20ème siècle, le village n’arrête pas de s’agrandir étendant ses tentacules en direction de Spa et de Becco, augmentant toujours le nombre de Spixhois dont beaucoup ignorent que pendant sept cents ans, Spixhe connut une activité remarquable avec ses moulins, ses forges et autres industries, ses fermes (23), ses cafés, restaurants, hôtels, ses petites boutiques. Aujourd’hui, un grand calme règne sur le centre du vieux village et le long du Wayai (24) tandis que sur la chaussée de Spa défile le charroi intense de la circulation moderne, non interrompu par la Barrière, mais surveillé, de temps à autres, par les radars de la maréchaussée.
Annotations
(13)Ce droit d’octroi était une taxe communale prélevée sur certaines denrées destinées à la consommation locale. (voir «Péages sur route épiscopale» dans Pays de Franchimont n° 481 de juin 1986) .
(14) Un autre bureau de péage se trouvait au- dessus de la côte de Mont, puis plus tard sur la chaussée vers Verviers au – dessus de la côte d’Oneux.
(15) Ce café est devenu depuis 1960, la firme Electricité Automobile Warnotte/ Chaussée de Spa)
(16) se situait en haut de la chaussée de Spa avant la descente vers le pont du Thuron.
(17) A.J. Doppagne avait épousé à Theux, le 26/9/1855 , M.J.Cornet née Fraipont le 16-11-1834 . En travaillant aux briqueteries de Juslenville, il fit quelques découvertes de vestiges romains qu’il remit à Philippe de Limbourg.