Jean Antoine Joseph Bihin
Jean Bihin n’était pas un géant d’imagination. C’est un personnage ayant réellement existé et devenu populaire dans la région par sa taille vraiment exceptionnelle. Son père était originaire de Creppe-lez-Spa, sa mère, de Winamplanche. Ses parents vinrent s’établir à La Reid au lieu dit « Chafour ». Actuellement la maison n’existe plus mais les substructions subsistent encore non loin de l’ancienne carrière Schmetz. En fouillant le sol, on retrouve encore des matériaux, c’est là qu’est né Bihin.
De son métier, le père de Bihin était cultivateur. Il devait abandonner la ferme en 1834, à l’âge de 56 ans pour venir s’établir à Verviers au n°7 de la place Saucy. La famille comptait 3 enfants.
Jean, grand et fort, mesurait 2 m 45 et pesait 316 livres. Sa corpulence l’avait rendu populaire. Il était favorablement connu à cent lieues à la ronde, car de physique agréable il était bien proportionné. Lorsqu’il arriva à Verviers, Bihin était âgé de 29 ans. Il allait mener tout au long de son existence une vie mouvementée de bohème.
Du point de vue moral, Bihin avait un cœur d’or, il aimait à rendre service, à faire le bien. Il avait l’esprit vif et la répartie pleine de malice. Comme tout homme, il possédait aussi des défauts, il aimait les jeux de hasard, gaspillait volontiers son argent. Il ne sut jamais se tenir à un métier bien déterminé, en essaya plusieurs et changeait de profession d’année en année presque. Tour à tour, il fut tailleur de pierres, abatteur, bûcheron, maréchal-ferrant, ouvrier, brasseur, cocher, dompteur, tambour-major. Un beau trait de son caractère : en aucun cas il n’abusa de sa force, il resta toujours ce colosse, un homme doux, foncièrement bon.
Peu après son arrivée à Verviers, en 1834, Bihin s’en va pour Parme où il est cocher pour l’impératrice Marie-Louise. En 1836, rentré à Verviers, nous le trouvons au service de la firme Grosfils, comme ouvrier brasseur. Les Grosfils étaient distillateurs et brasseurs. Ils possédaient aussi en fagne, entre « La Cuite » et l' »Ancien Vivier » la ferme de la Belle Bruyère, connue sous le nom de « Ferme Grosfils ». C’est pendant son séjour chez Grosfils qu’il fut le héro d’un pari , en mangeant un veau à un même repas. Performance gastronomique qu’il réussit.
En 1837, Bihin fait une tournée en Allemagne où il est présenté dans un cirque comme « Le colosse du Nord ». C’est au cours de cette tournée qu’il rencontra le célèbre violoniste Henri Vieuxtemps. En 1838, Bihin est engagé par le prince russe Dimitroff comme cavalier pour la cour de Russie. Il s’ennuie au pays des Cosaques, revient en France et, en 1840, s’exhibe à Paris au cirque Olympique sous le nom de Goliath. Cette vie de cirque lui plaît. En 1841, il est la vedette du cirque Fracoli en Angleterre. Ici, il lutte avec un cheval et, dans un second exercice, il dompte des lions. Engagé par la direction du grand cirque Barnum, il part pour l’Amérique. Là-bas, il fait la connaissance d’une riche américaine et ne tarde pas à l’épouser. De ce mariage sont nés deux enfants : Séraphin-Joseph, né le 28 novembre 1849 et Sarah Odile, le 18 juillet 1851.
A Limbourg, Bihin mena une vie dissipée de grand seigneur. Aimant la chasse et les plaisirs de tous genres il dépensa ses revenus sans discernement. En sa belle demeure, il recevait journellement ses amis, les réceptions se suivaient à un rythme accéléré. Il avait à son service tout un personnel : domestiques, piqueurs, gardes-écuries, femmes de peine, jardiniers. Il est évident que ni ses revenus, ni ceux de sa femme ne lui permettaient de mener très longtemps cette vie agitée et coûteuse de châtelain. Si au début tout allait bien, il n’en fut plus de même après quelques mois. Bihin contracta des dettes ; celles-ci s’accrurent et, un jour dans l’impossibilité de faire face à ses engagements, Bihin dut vendre sa propriété afin de répondre honorablement aux exigences de ses créanciers.
Le domaine vendu, les derniers comptes terminés, la famille Bihin prit le chemin de la Suisse. En 1853, nous trouvons notre géant à Paris, il fait partie du personnel de la ménagerie Huguet De Marillec en qualité de dompteur de fauves. Reprenant sa vie nomade, il s’exhibe un peu partout et se produit avec succés au Théâtre Bovery, en Angleterre, au cours de l’année 1857.
Sa femme fatiguée, exprime le désir de rentrer en Amérique. Qu’à cela ne tienne, Bihin, grand voyageur devant l’Eternel traverse l’Atlantique, gagne le Canada, puis les Etats-Unis, où, en 1859, il s’occupe avec son frère Henri, d’élevage et de commerce de chevaux. En 1861, il est reparlé de Bihin à Philadelphie. Les derniers échos de la vis de cet enfant de La Reid, verviétois d’adoption, datent de 1892. Il était alors âgé de 87 ans.
(D’après le livre « Jean Antoine Joseph Bihin » rédigé par Messieurs André Andries et Jean-Luc Seret et édité par le Syndicat d’Initiative de La Reid www.lareid.be)