La fenêtre de Theux : un conte géologique

La ville de Theux s’étale au creux d’un élargissement de la vallée de la Hoëgne dominée par le château de Franchimont.

Le pays de Theux est une vaste dépression où alternent paysages ouverts et collines boisées. Alentour de cette dépression, les forêts très sombres de l’Ardenne apportent une discontinuité étonnante dans le paysage typiquement condrusien où l’on trouve une vallée en roche calcaire appelée  » chavée » et une colline schisteuse boisée appelée « un tige ».
Dès 1750, ce paysage intrigue les naturalistes et les géologues. En 1904, Paul Fourmarier, géologue, fait part à la société géologique de Belgique, de ses observations dans la région : des terrains plus récents plongent sous des terrains plus anciens ». Il émet l’hypothèse de l’existence d’une nappe de charriage percée par une fenêtre géologique. Plus récemment, les travaux de l’autoroute à Polleur confirment cette hypothèse.

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Pour expliquer la formation de la fenêtre de Theux, il faut remonter très tôt dans l’histoire de la terre. Il y a plus de 400 millions d’années, deux continents constituaient l’essentiel des terres émergées de la planète : La Laurussia et La Gondwana. Ces deux continents montagneux sont séparés par une mer. Ils reposent sur la croûte ancienne et le manteau terrestre.

L’érosion fait son œuvre sous l’effet des agents atmosphériques. La mer séparant les deux continents se comble de sédiments, les couches plus anciennes se trouvant en dessous des plus récentes.

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Il y a plus de 300 millions d’années, une rupture oblique intervient dans le manteau terrestre et la croûte ancienne entre les deux continents primitifs. Ceux-ci tendent à se rapprocher, des poussées énormes vont s’exercer sur le fond et sur le pourtour de la mer. C’est le début du plissement hercynien. La mer se retire définitivement et les couches sédimentaires vont se plisser. Par les pressions gigantesques qu’ils subissent les sédiments acquièrent une cohésion toujours plus grande. Ils en deviennent moins malléables et plus cassants. Ainsi, toujours sous l’effet des poussées, une fracture presque horizontale se produit. Divisant l’épaisseur des couches plissées en deux parties superposées. La partie supérieure appelée « nappe » est alors charriée sur la partie inférieure. La fracture porte le nom de faille de charriage.

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On constate par suite du charriage que des terrains plus anciens peuvent se trouver au dessus des terrains plus récents : disposition inversée par rapport à l’ordre chronologique de dépôt des sédiments.

L’érosion va faire son œuvre pendant 300 millions d’année et se poursuit encore de nos jours. Des milliers de mètres de sédiments sont ainsi enlevés. C’est par cette érosion que s’est découpée une fenêtre géologique : c’est une ouverture dans la nappe de charriage au travers de laquelle on peut observer les terrains sous jacents par la faille de charriage.

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La dénomination « fenêtre  » apparaît pleinement justifiée lorsque l’on adopte une vue d’avion. On observe, en effet, que les bords de la fenêtre délimitent bien une surface de terrain qui plonge aux alentours sous la nappe de charriage.

Pour un observateur averti la faille de charriage peut être repérée sur la rive gauche de la Hoëgne entre Juslenville et Pepinster en aval de la grotte bien connue « Lu Tru des Sottais« .

Cent millions d’années environ séparent l’âge du calcaire de la grotte et la formation des grès bigarrés situés 100 mètres en aval le long de la Hoëgne. Seule la présence de la faille de charriage peut expliquer cette discontinuité temporelle et cette inversion dans la succession des couches géologiques.

Réalisation : André Falla

Conseiller scientifique : André Deblond

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