Quand j’ai proposé à la rédaction du Pays de Franchimont de réaliser un portrait de Raymond Héroufosse, je savais que j’allais me retrouver en face d’un homme haut en couleurs, mais j’étais loin de m’imaginer à quel point !
Je l’appelle pour qu’on se fixe un rendez-vous et il m’invite à prendre l’apéro, un jeudi soir chez lui. Tout un programme ! Né un 3 août, en 1944, Raymond habite dans le quartier des boulevards à Verviers. S’il commence sa scolarité à l’école du même nom, il la poursuivra au collège Saint François-Xavier, en latin-grec, avant d’émigrer à Saint-Michel, en moderne. Renvoyé une seconde fois, Raymond s’inscrit en humanités artistiques à Saint-Luc à Liège et travaille comme étudiant chez Marabout afin de financer son abonnement de train. Dans le même temps, il découvre les joies du scoutisme et reçoit le totem de « castor longue vue » avant, et cela devient une habitude, d’être renvoyé ! En 1963, il rencontre Bernadette, alors cheftaine louveteaux à Heusy. Ils se marieront en 1968 et auront un fils, Benoît, en 1969. Raymond remplit aussi son devoir de milicien, mais contraint et forcé, il passe un an en Allemagne, dont la plus part du temps au cachot ! Vous l’aurez compris, notre homme n’aime guère les contraintes ! Très vite, l’envie de campagne se fait sentir et la famille quitte Verviers pour Polleur, au départ dans un appartement, puis dans une maison, et, enfin, en 1973, dans leurs pénates actuelles, dans le quartier du Moulin. Raymond et Bernadette y achètent une ancienne ferme qu’ils restaurent petit à petit. Les granges servent alors d’atelier pour leur entreprise. A l’époque, leurs activités s’orientent vers le graphisme et la sérigraphie. Au fur et à mesure que le temps passe. Raymond se tourne de plus en plus vers le créneau de la publicité et de l’illustration, et l’entreprise s’agrandit. Plusieurs personnes viennent les rejoindre, et, à l’époque, dans les années 80, la sérigraphie a le vent en poupe. L’outil informatique de plus en plus performant permet également à Héroufosse Communication de se positionner en leader sur le marché de la publicité et de l’infographie. Les locaux devenant trop exigus, Raymond et Bernadette saisissent leur chance et achètent l’ancienne salle Degive au centre de Polleur. Ils procèdent alors à la rénovation complète du bâtiment sous la houlette de l’architecte theutois François Delvaux. La société change également de statut pour devenir une sprl à laquelle est associé Jean-Claude Grignard. Au fil des années, l’entreprise a continué à se développer, pour maintenant compter une équipe de sept personnes et des activités telles que le graphisme, l’illustration, la gestion d’imprimés, la communication, la sérigraphie d’industrie et d’art, le lettrage, etc. Et si, à presque soixante ans, la passion du travail est intacte chez Raymond et Bernadette, c’est parce qu’ils sont créatifs dans l’âme et que le travail ne s’apparente pas à une contrainte.
Mais laissons de côté l’aspect professionnel pour découvrir les multiples facettes du personnage. Lorsque je lui demande de se décrire, Raymond me répond ceci : profondément épris de liberté, anarchiste, républicain (membre actif de la République du Moulin), foncièrement indépendant, adepte de la pataphysique chère à André Blavier, laïque, et, last but not least, wallon ! Il se dit fidèle en amitié et dans le reste aussi d’ailleurs. Ses valeurs sont la solidarité, assortie de la devise française : liberté, égalité, fraternité. Résistant aux pouvoirs de toutes sortes, il dénonce les magouilles, les combines… c’est un maquisard, mais connu ! Il aime le vin, le pèket, les huîtres et les champignons des bois. Et, parce qu’il ne supportait plus l’asservissement à la cigarette, il fume maintenant de temps à autre un havane le soir… Et Bernadette d’ajouter : il est toujours en mouvement, jusqu’au-boutiste, énergique, têtu mais pas borné, attentif aux gens, sensible… Le téléphone sonne. Tandis que Raymond répond, j’en profite pour jeter un œil sur la collection de CD. J’y découvre Alexandre Lagoya, Bocelli, Ferré (évidemment !), Reggiani, Arno, des musiques irlandaises, Koen de Cauter chante Brassens, Panta Rhei, Patrick Dourcy,… Ses livres de chevet ? Haute pression, de Nicolas Ancien, Les petites mythologies belges, de Jean-Marie Klinkenberg (un ami des mouvements de jeunesse). Longtemps je me suis couché de bonne heure, de J.P. Gattégno… D’une manière générale, Raymond a un amour immodéré pour les artistes wallons (peintres, sculpteurs, musiciens, comédiens…). Et, lorsque à dix-huit ans, son fils Benoît se tue accidentellement en moto, il éprouve le besoin de laisser une trace et crée une maison d’édition, Noir Foncé, dédiée aux traditions populaires, régionales, gastronomiques, etc. Pour tenter d’oublier le drame de leur vie, Raymond et Bernadette la vivent dans un tourbillon permanent, s’impliquent sans compter dans les associations locales : Confrérie des Fins Gosis, la République du Moulin, la Fête du Coucou et ses bordons d’honneur, la troupe théâtrale du 4803… Une fois au bout d’une lune, ils partent en vacances. Si l’Egypte, la France, Venise et les vieilles villes font leur bonheur, c’est pourtant vers l’Angleterre, l’Irlande et l’Ecosse que vont leurs préférences actuelles, avec, pour unique but, l’envie de s’imprégner de l’ambiance et des couleurs locales.
Pour conclure, je vous livre quelques mots jetés sur une feuille par Raymond à propos de lui-même : « // ne présente plus jamais ses vœux pour l’année à venir, mais embrasse et remercie ceux qui ont fait un bout de chemin avec lui, (…), il est l’auteur du livre Une autre manière de faire de la publicité (à paraître un jour), (…) Citoyen responsable, surnommé Héroufix dans les années 80, il se lance dans des combats pour que le monde soit meilleur, pour que l’intérêt général prime sur l’intérêt particulier et pour que ceux qui dirigent soient plus sages (…) ».
Aline Paulus.
Pays de Franchimont 689 mai 2004