Christian Grégoire a pris la route
Qui ne se souvient de ce prêtre, détendu et le mot pour rire à la bouche, déambulant au milieu des chevaux, lors de la Saint-Hubert. Le goupillon à la main, c’est avec un plaisir certain qu’il bénissait, d’autres diront aspergeait, chevaux et surtout chiens, et autres petits animaux. Ces dernières années, on le rencontrait volontiers dans les rues de Theux->rub76], allant faire ses courses ou en revenant, le plus souvent à petits pas et la langue toujours bien pendue. Il était revenu dans son ancienne paroisse, quittée en 1990. Il vivait à Ste-Joséphine dont il était devenu l’aumônier. Il n’en était pas à son premier ni dernier voyage. Sa vie ne fut, en effet, qu’une suite de départs. Né en 1937 à Stanleyville où son père est colon, il quitte le Congo en 58 pour achever ses études en Belgique. En 1960, le Congo connaît les affres de l’indépendance ; mais Christian Grégoire entre chez les Pères Blancs pour devenir missionnaire en Afrique. Trois ans après, il les quitte et travaille comme éducateur dans divers homes et établissements scolaires tout en suivant la formation d’éducateur. Educateur, missionnaire : il y a des liens et des parentés. Mais surtout, il est avec ceux qui lui ressemblent, les enfants. Ils seront toujours ses proches et, dès qu’il en avait l’occasion, il recherchait leur compagnie, à l’école, dans la rue ou lors des réunions des mouvements de jeunesse. En 1970, le voilà éducateur diplômé ; mais c’est au Séminaire de Liège qu’il entre. Ordonné prêtre en 73, il a trente-six ans, il devient vicaire à Droixhe, puis à Embourg et, quatre ans plus tard, il est curé de Méhagne. Sa carrière suit un cours normal. Puis, voilà qu’en 1980, à quarante-trois ans, il quitte tout pour Nyanza, au Rwanda, où il va diriger un orphelinat qui abrite plus de quatre-vingts enfants. A nouveau, les enfants sont en première ligne. Deux ans après, il rentre en Belgique et est nommé curé de [Polleur. Mais l’année suivante, il déménage et s’installe à Theux. Sept ans plus tard, à nouveau, il quitte tout et retrouve les Pères Blancs comme prêtre-associé. Il a cinquante-trois ans et part en Tanzanie, à Ussongo. Après trois ans, il est approché pour prendre en charge une maison d’accueil pour les enfants de la rue de Dar-es-Salam. Mais, il est rappelé en Belgique ; le voilà curé à Voroux-Goreux. Suite à un accident de santé, en 1995, il doit quitter la Hesbaye et le ministère en paroisse. Il devient chapelain à Burnenville et aumônier des Maisons de repos de Malmedy. Enfin, ce sera le retour à Theux, comme aumônier à Ste-Joséphine. En comptant bien, cela fait près de dix-huit déménagements. Dont deux, qu’il pensait définitifs, pour l’Afrique. Ce qui impressionnait le plus chez l’abbé Grégoire, c’était son détachement de tout ce qui est matériel, mais aussi sa capacité de lâcher tout et de passer à autre chose, de partir ailleurs pour y commencer à neuf. « Laissant tout, il partait ». Cela était vrai chez lui. Il vendait, mais le plus souvent, il donnait tout ce qu’il avait : meubles, télé, voiture, vêtements, livres et même son chien… Tout laisser, tout quitter, tout donner et partir. Il ne faisait ainsi que répéter cette expérience, fondatrice pour lui, lorsque tout jeune, il avait dû quitter le Congo, son pays, pour la Belgique, qui lui était en quelque sorte une terre étrangère. A cette expérience de fils de colon, s’ajouta celle de voir son père rentrer, ayant pratiquement tout perdu dans ce Congo des années soixante. Cela donne une fameuse dose de relativité pour tout ce qui est propriété, argent, meubles et immeubles. Ses deux séjours en Afrique lui donnèrent l’occasion de manifester son dévouement pour les enfants et ses talents d’organisateur. Il mettait sur pied, chaque année à Theux, avec l’aide d’une fameuse équipe, la journée et le souper de Nyanza qui permettaient de récolter des fonds pour soutenir des projets, en faveur d’enfants au Rwanda comme en Tanzanie, mais aussi de rassembler des gens de toutes convictions, unis par le soutien à apporter à ces enfants d’Afrique et séduits par le caractère très humain de l’abbé Grégoire. Humain, il le fut jusqu’au bout avec ce que cela comporte de fraternel et d’agaçant. En témoigne, avec humour, mais sans concession, cet extrait de la chanson créée par l’équipe de la « Vie Montante » à l’occasion de son départ de Theux en 1990 : « Connaissez-vous not’curé Grégoire ? C’est un râleur, un sacré bavard ! Il a mauvais caractère, il sait se mettre en colère. Pourtant, oui, c’est not’curé à nous ! On l’prend comme il est, un point c’est tout. C’est notre guide et notre boute-entrain : avec lui, pas de danger d’être chagrin ! »
Abbé Marcel Villers
Pays de Franchimont 704 novembre 2005