Fernand Braipson

Hommage à Fernand Braipson

Nous pleurons aujourd’hui Fernand. Une courte maladie l’a enlevé à l’affection des siens. Elle prive la communauté theutoise d’un sage qui a tant fait pour sa commune et pour son château de Franchimont.

Fernand était né le 11 février 1922 dans son petit village de Juslenville-Petite, un endroit où il a quasi toujours vécu. Enfant de Juslenville, il y a débuté son instruction avant de s’élancer vers la ville. En mai 1940, il est étudiant à l’Institut Lambert Lombard à Liège pour se former à la profession d’architecte. A l’aube du 10 mai 1940, il est surpris par l’annonce de la guerre. Suivant les instructions communales (réfugié obligatoire), il doit quitter Theux->rub76]. Le pont de Juslenville ayant été détruit, il se met en route en direction de Tancrémont, accompagné de sa mère et de ses voisins. Il gagne Liège où il apprend qu’il fait partie de la réserve militaire et doit se rendre à Binche. Ici commence une aventure qui va le conduire au pied des Pyrénées, comme une centaine de milliers de jeunes Belges, rassemblés dans des Centres de Recrutement de l’Armée Belge (CRAB), en vue de former des recrues pour cette année ! Il y séjournera trois mois avant de pouvoir rentrer à [Theux début septembre.

Dès le premier jour de guerre, il avait répondu présent, il continuera toujours dans cette voie. Il reprend ses études à Liège. Là, il est bientôt en relation avec des groupes d’opposants au régime nazi et il commence à transporter régulièrement, depuis Liège, des journaux clandestins. Bientôt, il entre dans un groupe de renseignements « Le Lion Belge » et sera amené à prendre de gros risques pour recueillir des informations, photos et croquis qui sont transmis à Londres. Cette activité finit par le mettre en rapport avec la résistance locale qui deviendra la section C.S. 123 de l’Armée Secrète. Début septembre, il se trouve avec ce groupe à Sassor, il vivra les heures angoissantes marquées par les drames de Sohan et d’Oneux. Avec, le petit contingent des résistants ne pouvant rentrer chez eux, il se réfugie dans la carrière de Staneux et rentrera à Theux en même temps que nos libérateurs américains.

Le 11 septembre 1944, il fait partie de la patrouille qui devra livrer combat dans le bois de Franchimont contre un fort détachement allemand. Un combat meurtrier qui fit une victime theutoise, Adrien Laguesse. L’armée secrète, prenant une existence officielle, il devient secrétaire de la section theutoise, poste d’importance dans les premiers mois après la libération. Il continuera à jouer un rôle important dans la vie de la fraternelle theutoise de l’A.S. où sa disparition crée un vide immense. Il fut encore le responsable de la dernière manifestation, le 8 septembre 2002, en hommage aux victimes de sa section. Nanti de son diplôme d’architecte, il entre dans la vie professionnelle. Ses premières œuvres furent les monuments, rappels des victimes de la résistance au chemin de Franchimont et au Rocheux. Il va vraiment débuter sa carrière en effectuant des expertises de dommages de guerre dans la région de Stavelot. Il partait dès le lundi, chargeant son vélo sur le train qui le menait au centre de son territoire de travail. Plus tard, il se procurera une petite voiture d’occasion qui lui facilita grandement son boulot. En 1949, il épouse Emilienne Verbrugghe qui l’épaulera tout au long de sa vie (de leur union, naîtront deux fils). Très vite apprécié pour sa conscience professionnelle et son sens des responsabilités, il va poursuivre une très longue carrière d’architecte. Il fera les plans de diverses constructions pour les agrandissements de nos écoles communales et la création de plusieurs cités sociales, de la salle de Spixhe et de tant d’autres immeubles à Theux et ailleurs. Il sera aussi le co-auteur des plans du hall omnisports. Homme de société, il est un membre très actif, faisant profiter, souvent de manière bénévole, de ses talents professionnels.
Membre, puis président de « la fabrique d’église de Juslenville », il s’investira dans maints travaux de réfection. Il se chargera de l’érection du monument de reconnaissance au Sacré-Cœur de la rue Rittwéger. Membre actif du cercle paroissial qui profitera également de ses compétences. Il est l’auteur des plans de la chapelle de Pouillou-Foumeau et le responsable de par tous bénévoles, comme lui. Il s’investira également dans l’activité du Syndicat d’initiative dont il sera longtemps administrateur, mais aussi vice-président. Mais que dire de sa passion de l’histoire et du folklore de Theux et de Franchimont. Très tôt, il se met à collectionner toutes sortes de documents. Il se crée de nombreuses relations dans les milieux des collectionneurs, des gens d’Histoire. Il en fera profiter toutes les sociétés ou comités de fête qui feront appel à sa collaboration pour des manifestations telles les anniversaires comme celles des écoles, mais aussi de tant d’autres.

C’est en 1968 qu’il va pouvoir déployer tous ses dons et ses capacités lors de l’organisation des fameuses manifestations célébrant le 500e anniversaire du Combat des 600 Franchimontois. Les cortèges historiques et surtout le Jeu de Franchimont vont être l’objet de tous ses soins. A l’issue de ces manifestations, il va trouver le moyen de poursuivre son activité d’historien au sein de la « Chevalerie de l’Ordre du Chuffin », dont il est un des membres fondateurs. Les objectifs ne lui manquent pas, mais il va s’orienter, d’une part vers ce qui va devenir « Les Compagnons de Franchimont » et, d’autre part, vers la section-histoire « Les Chroniqueurs du Marquisat » qu’il a créée et dont il va rester le commandeur pendant plus de trente ans. Chez les Compagnons, il va mettre à leur service, durant de très nombreuses années, sa compétence professionnelle, ses connaissances historiques et son amour du château. A la Chevalerie, il entraîne ses membres à la découverte des multiples facettes de l’histoire de Theux et des nombreuses archives qu’il a accumulées au cours des temps. Il sera le promoteur des expositions historiques concrétisant toutes ses acquisitions. Dès 1985, elles deviendront annuelles. Il a encore participé à la préparation de l’expo « A bonne école » d’octobre 2002, mais ne put assister au vernissage pour raison de santé.

Il faut encore citer la part importante qu’il prit dans la mise sur pied de « La Franche Foire » devenue foire médiévale. La place, qu’il occupait tant à la Chevalerie qu’au Syndicat d’Initiative, lui a permis de mener à bonne fin cette manifestation devenue aujourd’hui incontournable dans le folklore theutois. Tout le monde se souvient de sa haute silhouette médiévale en robe orange arpentant le château à ces occasions. Par contre, à l’heure des honneurs, lors des ouvertures officielles, des vernissages, il laissait à d’autres les applaudissements. Il s’effaçait, là besogne accomplie, mais restait disponible et même loquace à la demande de renseignements. Même dans ses publications, entre autres sur Juslenville, son nom n’apparaissait pas ou très discrètement. Il venait de publier dans la revue « Terre de Franchimont » une série d’articles remarquables sur la Résistance au Pays de Franchimont, éclairant cette activité dramatique si mal connue.

La commune de Theux, ses sociétés et sa population lui doivent beaucoup. Il a reçu, en 1996, Le prix Tectis décerné à une personnalité, qui, par ses œuvres, son mérite, son activité, a porté le renom culturel de Theux. Il était titulaire de nombreux titres honorifiques pour son activité dans la résistance, mais aussi dans le domaine civil. Distinctions dont il n’a jamais voulu faire mention. La foule, qui a assisté à ses funérailles malgré la discrétion de l’annonce de sa mort, témoigna de la reconnaissance de la population theutoise. Nos vies se sont croisées, en septembre 1944, au sein de l’Armée Secrète, puis la vie nous a éloignés. C’est en 1968 que, à nouveau, le destin nous a réunis et nous avons commencé à cheminer ensemble au sein de la Chevalerie. C’est lui qui m’a inoculé le virus de l’histoire de Theux ; c’est lui qui, à l’heure de ma pension, m’a fourni la matière nécessaire à mes chroniques à Radio Franchimont et au journal Le Pays de Franchimont. Depuis, nous avons travaillé ensemble à tant de travaux sur le passé de notre terre natale. Une collaboration que la mort aura brutalement interrompue. A Dieu, Fernand, et merci.

Alex Gonay.

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