Le pont de la Hoëgne et le Grand Pont

_ À Theux, le passage de la rivière s’est toujours effectué là où se trouve le pont actuel ce lieu s’est longtemps appelé Leys qui viendrait du mot celte signifiant passage d’eau (1).
Durant la période romaine c’est à cet endroit que la petite voie romaine qui venait de Fays traversait la rivière, et suivant le Wayot (Çhinrue) passait à proximité de la carrière de marbre noir déjà en activité et se dirigeait vers la Fagne Saint-Remacle et retrouvait près de Deigné la chaussée romaine Bavai-Cologne. Sur le territoire de Theux ce chemin allait prendre le nom de «réal chemin» (chemin royal) (2), car il conduisait a la villa mérovingienne qui deviendra palais carolingien et se situait dans les environs immédiats de l’église.

Mais nous nous éloignons de notre rivière qui attendit longtemps son nom de Hoëgne. Dans les textes latins officiels et sur les cartes anciennes, on pouvait lire le nom de Poleda Fluvium (3) puis ce sera la rivière de Polleur (4) ou encore rivière de Theux. Les habitants dans leur langage courant disaient «lu grante êwe» (5). Ce n’est qu au début du l9eme siècle qu’apparut le nom mystérieux de Hoëgne Certains affirment qu’un ruisseau fagnard concourant à la formation de la rivière aurait porté ce nom.
Le passage de la rivière s’opérait donc au Leys probablement et pendant longtemps par un gué suppléé par la suite par un pont de bois qui était régulièrement emporté par les crues de la rivière torrentielle.

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Un registre tenu par Nicolas de Limbourg (6) indique qu’il existait bien un pont de pierres en 1643 qui fut emporté en partie le 15 janvier. Une autre inondation catastrophique pour notre pont nous est contée par le spadois Albin Body «le 20 juillet 1804 vers 8 heures du soir, nous avons eu un orage le plus funeste … la rivière a haussé si considérablement qu’elle a passé dans Theux. Tous les ponts ont croulé, principalement le pont de Theux qui avait quatre arches…»

Nous apprenons ainsi que notre pont avait quatre arches; la rivière n’étant pas bordée de berge, le pont devait se prolonger au-dessus du début de rive gauche pour ne pas devenir utilisable en cas de crues même modestes. Ce pont avait été construit, ou du moins aménagé, en 1772 au moment de la construction de la chaussée Theux-Verviers-Battice via Oneux, première liaison importante entre Theux et Verviers.

En 1852, un nouveau pont fut construit, il ne comportait plus que deux arches (7), celle de la rive gauche enjambait également un chemin longeant la rivière, il avait donc la même grandeur que le pont de quatre arches. Il fut inauguré le deuxième dimanche de juin jour de la kermesse, en présence du ministre de l’intérieur, du ministre des Travaux Publics et du gouverneur de la Province. Ces éminences voyagèrent en train jusque Pepinster. La ligne Pepinster-Theux ne sera mise en service qu’en octobre 1854. Aussi l’administration communale de Theux fit venir de Spa trois splendides calèches avec cochers et valets en tenue. Les édiles theutois y prirent place et fouette cocher! Il faisait beau et sec et la poussière fit escorte. Aussi arrivés à Pepinster, les valets qui avaient l’expérience, saisirent dans leur matériel de bord quelques brosses et époussetèrent consciencieusement nos dignes représentants.

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Après la réception sur le quai de la gare, le cortège prit le chemin du retour. Dans la voiture de tête, le bourgmestre commentait au premier ministre, la belle vallée de la Hoëgne avec son beau château de Juslenville et son magnifique parc anglais. Puis ce fut une petite halte et les valets firent à nouveau usage de leurs brosses à reluire. Enfin, on arriva au pont de Theux où attendait un grand concours de foule. Une tribune avait été montée le long du trottoir sur la rive gauche et l’imposante chorale St Edmond était massée sur la rive droite, la partie académique se déroula avec discours entrecoupés de chœurs. Des mauvaises langues assurèrent que la présence de ces hautes autorités était liée à la proximité des élections communales! Puis la fête battit son plein et le soir, la population eut droit à un bal aux lampions sur le pont neuf, comme à Avignon.

Pour les Chroniqueurs du Marquisat,

Alex Gonay

PDF 582 – novembre 1994

Annotations .

-(1) Voir P.F. novembre 1990 (Promenades et Leys)
-(2) Peut-être origine de Chinrue. Chemin du Roy, devenu après la disparition du palais, chemin du ruy (ruisseau) et enfin Chinrue: contraction et amalgame de ruisseau et de rue???
-(3) Poledafluvium: cours d’eau Poleda
(-4) Rappelons que la Hoëgne prend sa source dans la Fagne de Polleur (près du Mont-Rigi) et passe par le village de Polleur.
-(5) La «Grande Eau »signifiait la rivière tandis que «lu p’tit Ewe» désignait le flot qui descendait la rue Hovémont lors des crues. L’eau sortait par le gué de la Bouxherie et s’engouffrait dans Theux.
-(6) Voir PF. août 1994. Le pont de Juslenville.
-(7) Voir photo carte postale dans le P.F. janvier 1994

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