Le Waux-Hall champêtre

N° 557 – OCTOBRE 1992

LE WAUX-HALL CHAMPETRE

Theux a eu, lui aussi, un beau jour sa maison de jeux, son «casino». Cela se passait fin du 18ème siècle, à une époque où la pratique des jeux de hasard était en grande vogue à Spa et faisait d’ailleurs un des attraits de la ville en complément du thermalisme.

Mais à Spa, l’exploitation de maison de jeux faisait l’objet d’un octroi exclusif [[octroi et privilège exclusif de tenir toutes les assemblées publiques de bal et de jeux, défendant à chacun d’en tenir ailleurs, accordé en 1762 par le prince-évêque Jean-Théodore de Bavière.]] réservé à la Redoute (l’actuel casino), privilège étendu un peu plus tard au Waux-Hall de Spa.

En 1784, un Theutois, François Demasure, fait construire un peu en dehors de l’agglomération, non loin de la porte de Spa, un important bâtiment [[sur cet emplacement s’élève actuellement le magasin à rayons multiples A.M.]] et il s’est associé avec son beau-frère l’entrepreneur Joseph-Lambert Caro.

Les projets sont grandioses et la publicité qui annonce l’ouverture pour le 20 juin 1784 décrit ce qui est réalisé: «une grille avec deux pavillons sur les coins sont le devant de cet endroit, dans lequel un salon surmonté d’un dôme qui donne le jour à ce salon. Des cabinets de verdure de différente manière, une rotonde de charmille, un labyrinthe composent ce Waux-Hall champêtre… on pourra y trouver en tout temps du thé, du café, chocolat, de la glace et fromage de glace, des vins et liqueurs de toutes espèces, jambon, langue fumée, pâtés, poulets, saucisson, desserts de pâtisseries et de fruits…. toutes personnes honnêtes et mises décemment pourront y entrer excepté la livrée et les gens en habits de poudre [[livrée: les domestiques-gens de poudre: peut-être soldats portant arme à feu.]]».

Le 19 juin 1785, c’est l’ouverture de la deuxième saison, on a fait des embellissements «tous les après-midi, on pourra danser grâce a une petite musique et l’on trouvera toutes sortes de jeux de commerce…»

Le succès est considérable, tous les Bobelins se font un devoir de passer par Theux et son Waux-Hall. Mais cet engouement va être bientôt interrompu.
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Le prince-évêque, de Hoensbroeck, bien mal conseillé, va lancer le 4 août 1785, un mandement interdisant «toutes assemblées, ou associations ou sociétés quelconques… tant à Spa qu’à Theux et dans toute l’étendue de notre domination à moins d’une autorisation spéciale de notre part», réservée bien entendu à la Redoute et au Waux-Hall de Spa. L’édit n’a pas encore été publié que le lendemain à 9 heures du soir, le procureur général Fréron accompagné de gens d’armes vient interrompre un brillant bal au Waux-Hall à Theux. Il y a pourtant là un prince, des princesses et autres notabilités. Cette mesure brutale est considérée par les Theutois, qui jouissent du droit de bourgeoisie de Liège, comme une flagrante injustice et cela va favoriser grandement les vues du parti contestataire de L.F. Dethier et aider à sa victoire aux élections de 1786, prélude à la révolution de 1789.

Le Waux-Hall rouvrira ses portes mais c’en est fini des jeux: quand vint cette révolution, il servit à maintes reprises aux réunions du Congrès de Polleur [[il y eu 25 séances entre le 26 août 1789 et le 23 janvier 1792: les huit premières se sont tenues à Polleur, la neuvième à Spa et toutes les autres à Theux en divers lieux.]] et c’est là aussi que furent émis le 23 décembre 1792 les fameux «vœux solennels» [[vœux solennels «sur la liberté et l’égalité des hommes, sur la souveraineté du peuple ainsi que sur la réunion à la France républicaine» émis par les délégués du Pays de Franchimont et des communautés des pays d’Ourthe et Amblève.
Bibliographie: «Les jeux de hasard à Spa au XVIllème siècle» par Paul Bertholet.]].

Barbe-Charlotte Demazure, fille de François et épouse de H.J. Henkart a hérité du Waux-Hall mais les affaires ne semblent pas brillantes puisqu’en 1815, elle fait vendre pour payer ses créanciers. Il sera acquis par un fabricant d’Ensival Balthazar Pirard, en 1834, il appartenait à B. Delize, négociant à Liège qui le revendit à J.B. Close, un maître-charpentier theutois et vers 1860 le plan Popp n’indique pas de grandes différences avec la description parue en 1784, on remarque le grand salon de forme carrée et deux appendices latéraux: les petits salons, derrière une grande pelouse et un jardin et devant: une cour avec une habitation de chaque côté. J.B. Close le transmet à son gendre M. Lepersonne, puis il échoit à Alexandre Caro-Lepersonne (1848-1914). Mais relater l’histoire du Waux-Hall au 19ème et début du 20ème siècle, c’est reconstituer la vie de société et aussi des «sociétés» à Theux. Ce sera, peut-être, l’objet d’un prochain article.

Pour les Chroniqueurs du Marquisat: Alex GONAY

Patrimoine disparu, le Waux Hall au 19 et 20ème siècle ou la vie associative à Theux,

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L’histoire des premières années du Waux-Hall Champêtre de Theux a fait l’objet d’un premier article dans le numéro de septembre et se terminait avec la liste des propriétaires de 1825 à 1900, moment où il est la propriété d’Alexandre Caro-Lepersonne. Durant toute cette période, le Waux-Hall est, avant tout, la seule salle de spectacle importante de la commune à une époque où les habitants se déplaçaient très rarement vers les villes pour les distractions ; aussi les manifestations qui s’y déroulaient en faisaient un lieu de rencontre privilégié.

Une des premières activités culturelles fut l’art musical. Dès 1840, s’est constituée une chorale accompagnée d’instrumentistes, «l’Harmonie Sainte Cécile Franchimontoise», elle offre des concerts à la population comme le 5 juin 1859 où elle se produit dans les salons du Waux-Hall avec les symphonies et chorales de Pepinster, Dison et Ensival. Des dissensions d’ordre politique vont mettre fin à cette société, trois autres groupes musicaux vont naître puis disparaître en 30 ans. Mais en 1869, c’est la création de «l’Union Fraternelle», nom choisi pour marquer la bonne entente et qui elle va devenir centenaire[[Les 101 ans de la Royale Fanfare Union Fraternelle ont été fêtés solennellement en août 1969, festivités reportées à cause des fêtes du 500ème anniversaire des 600 Franchimontois.]].

Elle a comme président Alexandre Caro et a comme local le Waux-Hall. Non seulement, elle s’occupe de musique, mais aussi de théâtre : comédies et opérettes. Comme il n’y avait pas de scène, il fallait monter dans le fond de la salle un podium qui, avec l’emplacement de l’orchestre toujours présent, réduisait de beaucoup la place pour le public.
Aussi, vers 1890, le président-propriétaire fit construire dans le prolongement arrière du bâtiment une grande scène avec accès direct vers le jardin et avec un vaste sous-sol abritant les loges des artistes, le local du maquilleur et un emplacement pour le rangement de divers accessoires[[Ce sous-sol servira également de vestiaires pour les athlètes et footballeurs avant la construction au terrain même.]]. Aussi, concerts, théâtre et bals s’y succédaient et ceux de la kermesse et de la Foire St Hubert étaient les plus courus.

Mais, fin du siècle, une nouvelle activité va marquer la vie des Theutois et du Waux-Hall, sous l’impulsion de quelques «illuminés» dont Alex Caro, le fils d’Alexandre, le «Sport» fait son apparition, d’abord cyclisme et athlétisme et bientôt le football. En 1901 est fondé le Sporting Club de Theux, il élit domicile au ‘aux-Hall qui va rester pour longtemps le pivot de toute compétition sportive. Les départs des courses se faisaient devant l’établissement et derrière, dans une prairie toute proche, se déroulaient les concours et les matches de football… Cette prairie va devenir le terrain officiel du club et on y accéda longtemps en traversant la cour, puis en longeant la salle par la droite, suivant un chemin qui se prolongeait jusqu’à l’entrée du stade. Deux terrains de tennis situés entre cette prairie et le chemin (l’actuelle rue du Waux-Hall) complétaient ce petit complexe sportif.

Rappelons la disposition des bâtiments à cette époque: au fond de la cour pavée, le grand salon servait de salle de spectacle, le petit salon à droite abritait le bar, quelques tables et dans le fond, une salle de billard, le petit salon de gauche avait un rôle plus prosaïque, rangements divers et toilettes.

A droite de la cour, le logis et la salle du restaurant, à gauche, deux maisons louées à des particuliers, devant muret avec grilles et pilastres, derrière une aire de repos avec balançoires monumentales dans un jardin fleuri.

Après une accalmie causée par la guerre 14-18, le Waux-Hall reprend vie dès fin 1918 avec de grands bals organisés avec les officiers et sous-officiers des régiments de soldats anglais stationnés à Theux, puis avec les fêtes patriotiques des anciens combattants qui en ont fait leur local.

Peu après la guerre, Theux va faire connaissance du septième art, sous la direction du gérant Avenière, le grand salon du Waux-Hall deviendra salle de cinéma. Pour cela, il a fallu construire une cabine de projection, un assez vilain bloc cubique, surplombant l’entrée. On y accédait par une échelle en fer fixée à l’extérieur, le long de la façade.

Début de ce siècle, le Waux-Hall a été dirigé par plusieurs gérants, mais en 1926, Alex Caro-Ropaers le reprend et en fait un hôtel- restaurant, il agrandit l’aile droite pour y installer des chambres tandis que l’aile gauche propose, durant la saison d’été, des appartements comme annexes de l’hôtel. La grande salle continue son rôle de centre culturel: concerts, spectacles divers, bals, assemblées importantes comme les distributions des prix des écoles s’y succèdent. Fanatique du sport, Alex Caro y installera même, certains jours, un ring pour des compétitions de boxe. Le 10 juin 1932, il aura le grand honneur d’accueillir le Duc de Brabant, le futur Léopold III, ainsi que l’École de Guerre [[L’ancêtre de notre École Militaire.]] qui, après une visite au château de Franchimont, utilisera la salle pour une démonstration de stratégie.

En avril 1938, un important incendie ravage la salle, le toit avec son beau dôme de lumière s’écroule. On le reconstruit plus simplement, mais en respectant la configuration des lieux, le cinéma y est revenu, mais en 1942, Alex Caro quitte Theux et le Waux-Hall passe à M. Liedel à qui succèdent M. Pierrard, puis M. Georges. Il n’y a plus d’hôtel-restaurant, simplement un café mais la salle est modernisée pour en faire, avant tout, une salle de cinéma qui présente des films beaucoup plus récents qu’auparavant. Des bals, séances de théâtre ou autre auront encore lieu mais à titre accessoire.

Mais la vie évolue, le cinéma ne fait plus recette et en 1979, le Waux-Hall devient un magasin d’alimentation à rayons multiples [[Le magasin A.M. (Alimentation Moderne) de la chaîne Spar.]] où rien ne rappelle plus l’ancien Waux-Hall champêtre de 1784 concurrent des salles de jeux de Spa.
Entre-temps, l’aile gauche a disparu, elle devenait gênante pour la circulation, l’ancien chemin de la Commune ou du tennis, élargi, devient la rue du Waux-Hall (on lui devait bien cela). On a également supprimé les grilles de la rue Hovémont et la cour est devenue un parking macadamisé. Qui se souvient encore qu’il ya quelques 60 ans on trouvait ici un hôtel-restaurant, une salle de spectacles, au passé historique, une plaine de jeux, des terrains de tennis, un stade de football, un ensemble, fierté légitime d’Alex Caro, à la fois hôtelier, animateur de spectacles, sportif de classe, ancien combattant et comitard passionné ?

A. Gonay

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